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Les visuels dans le rap🎤🎬

  • Photo du rédacteur: Axel Araujo
    Axel Araujo
  • 1 déc. 2020
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 août 2022


Pour traiter du sujet du "Je", j'ai choisi le sujet qui me passionne le plus et qui reste malgré tout dans un domaine proche de la photographie : l'importance des visuels dans la musique, et plus particulièrement dans le rap français. Je vais parler de cette facette toute aussi importante que la musique elle-même avec quelques exemples de clips et de pochettes d'albums qui s'accordent parfaitement au contenu proposé.


Tout d'abord, la musique est l'art le plus présent dans ma vie, j'en écoute tous les jours sans exception, et c'est une des choses qui m'accompagne dans n'importe quel moment de ma vie, aussi bien positif que négatif.


La direction artistique que prend un artiste en fabriquant un projet musical passe principalement par le style des morceaux présents dans ce dernier, mais l'univers de l'album est reflété en grande partie dans sa pochette et dans ses clips. J'ai pris 3 exemples de projets que j'apprécie tout particulièrement afin d'illustrer cette idée : Taciturne de Dinos, TRINITY de Laylow et 444 Nuits de Népal.


Dinos - Taciturne (2019) Laylow - TRINITY (2020) Népal - 444 Nuits (2016)

Pochette : Fifou Pochette : Maxime Guyon



Pour commencer, la pochette d'un album est un des principaux éléments dans la conception d'un projet musical : elle doit parfaitement refléter le contenu de l'album et le message que l'artiste souhaite faire passer, s'il y en a un.


Prenons l'exemple de Taciturne, on y voit un épais cadre de couleur orange qui semble dominer la pochette, ainsi qu'une photographie de Dinos assis sur un banc, autour d'arbres sans feuilles. On conclut donc rapidement que l'ambiance de l'album va être principalement automnale, c'est-à-dire mélancolique, calme et penchant plus vers le "triste". L'idée se retrouve dans la couleur orange, qui peut justement correspondre à la couleur des feuilles mortes en automne, et, en écoutant l'album, on s'aperçoit que cette atmosphère mélancolique ressort dès les premiers morceaux, notamment On meurt bientôt, qui s'ouvre avec d'anciens textes de Booba accompagnés de quelques notes de piano. Dinos a également soigné la version physique de Taciturne, car on peut retrouver 2 versions différentes : une version "Nuit" et une version "Jour", qui contiennent chacun deux titres bonus, eux aussi différents. Dans ces pochettes-ci, on retrouve évidemment la couleur dominante de la version streaming : la couleur orange.


Dinos - Taciturne (version Jour) Dinos - Taciturne (version Nuit)

Bonus : Les pleurs du mâle / Sagittaire Bonus : Slide / Cœurjacking



Je réécoute souvent cet album en ce moment, tout simplement car la période s'y prête, mais aussi parce que je me reconnais dans certains textes de Dinos, qui reste, tout comme moi, un des seuls réels amoureux du rap dans une époque où la plupart se lancent dans la musique uniquement pour y trouver un business.


Ensuite, dans un tout autre univers, on retrouve TRINITY de Laylow, qui propose une pochette beaucoup plus sombre, plus "dérangeante", surtout avec les subtils éléments comme els chaînes dans sa bouche, ou encore les nombreux fils métalliques qui couvrent son visage. Dans l'ensemble, le visuel de l'album paraît ici plus digital, plus technologique, et rappelle principalement certains films de science-fiction, comme par exemple Matrix avec les couleurs vertes et noires, ou plus simplement avec le nom du projet "TRINITY", qui est également un personnage de ce film. Tout comme Dinos, on retrouve l'ambiance futuriste de la pochette dès les premières secondes, avec Initialisation, qui fait en fait partie des sept interludes qui guident l'auditeur dans le côté "storytelling" de l'album, c'est-à-dire qu'aucune piste n'est séparable des autres morceaux, car le tout raconte une histoire bien précise et parfaitement écrite. Celle-ci raconte une histoire d'amour entre Laylow et un logiciel nommé TRINITY, qui est en fait conçu pour stimuler des émotions perdues ou de plus en plus rares chez l'être humain, comme l'amour, la tristesse, ou encore la haine. De nombreux autres points sont remarquablement bien maîtrisés notamment le mixage, qui porte l'auditeur dans le film auditif qu'est cet album, et ça de A à Z ; le rythme, c'est-à-dire les mélodies, qui ont toujours été un des nombreux points forts de Laylow : mais aussi et surtout l'univers musical si particulier qu'il porte avec lui et son collectif Digital Mundo depuis ses anciens projets (.RAW-Z, .RAW, Digitalova et Mercy). Le contenu du projet est donc parfaitement relié à l'univers qu'a créé Laylow autour de son premier album, également avec la version physique qui reprend l'idée de logiciel, avec un boitier de CD basique et transparent, mais avec quelques éléments qu'on retrouve dans l'album, comme le logo avec une typographie futuriste, à l'image du projet, ainsi que la pochette en petit format à droite de l'objet.


Laylow - TRINITY (recto du physique) Laylow - TRINITY (verso du physique)



Cet album m'a réellement marqué, car c'est un des seuls albums concept, c'est-à-dire construits autour d'une histoire qui est développée tout au long du projet, que j'ai écouté et apprécié (JVLIVS de SCH est un autre exemple dans un univers différent). J'ai été touché par toutes les émotions qu'il transmet et ce dès la première écoute, ce qui prouve à quel point l'album est travaillé de fond en comble et surtout très réussi.


Pour prendre un dernier exemple de projet avant de traiter des clips, je peux parler de 444 Nuits de Népal, qui est un EP (un projet plus court qu'un album mais tout aussi cohérent) sorti en 2016, et qui m'a fait découvrir l'artiste qu'était Népal. 444 Nuits est un projet de 12 titres plus touchants les uns que les autres, tellement on se rend compte de l'honnêteté de Népal, de sa technique, ainsi que du message qu'il voulait faire passer à travers son œuvre. Une grande partie, si ce n'est la totalité des instrumentales ont été composées par KLM, qui est le nom de beat maker de Népal lui-même, car même en dehors de sa propre musique, il produisait certains morceaux pour des artistes qui lui étaient proches (notamment le légendaire Humanoïde de Nekfeu). Pour revenir à la pochette de l'EP, on peut retrouver une simple photographie d'une rue de Pigalle avec quelques enseignes illuminées, et également la tête couverte de Népal, qui avait pour particularité de cacher son identité pour que les auditeurs se concentrent sur sa musique et non sur le personnage qu'il était. A première vue, la pochette paraît négligée, mais traduit en fait le côté simpliste du projet, qu'on retrouve surtout dans le classique Rien d'spécial, troisième morceau de la version bleue de l'EP. En effet, 444 Nuits est en fait composé de 2 EP de 6 titres : une version bleue qui ouvre le projet final, et une version rouge qui le referme.


Népal - 444 Nuits (version bleue) Népal - 444 Nuits (version rouge)



Comme je l'ai dit avant, ce projet m'a particulièrement touché et marqué, car c'est avec celui-ci que j'ai découvert l'incroyable artiste qu'était Népal, un homme mystérieux et pourtant si passionné par la musique dont il avait fait sa principale activité. Népal est décédé le 9 novembre 2019 à l'âge de 24 ans, et a laissé derrière lui toute une communauté endeuillée dont je fais toujours partie aujourd'hui et que je ne quitterai surement jamais. Son collectif, la 75e Session, a annoncé sa disparition le 20 novembre qui a suivi avec une publication sur son propre compte Instagram.



"KLM, Grand Master Splinter, Népal, membre de 2Fingz, co-fondateur de la 75e Session rappeur, producteur compositeur, graphiste, vidéaste, notre inspiration, notre fils, notre frère notre ami nous a quitté le Samedi 9 novembre 2019 à Paris. Ni les mots ni ce communiqué ne peuvent exprimer la tristesse que nous ressentons aujourd'hui. Son œuvre continuera à délivrer son message et à le faire exister dans nos cœurs et dans nos vies. Afin de respecter sa volonté et sa vision artistique, nous sortirons aux dates prévues par lui ses clips, morceaux inédits et son 1er album "Adios Bahamas" qu'il venait de finaliser et prévoyait de sortir le 10 janvier 2020. Nous remercions tout ceux qui l'ont compris, soutenu et qui font perdurer son art et sa mémoire. Sa famille et ses amis."

A l'annonce de son décès, j'ai principalement été touché par la bienveillance dont sa communauté et ses proches ont fait preuve, notamment en respectant ses volontés concernant sa musique, en sortant son premier album, Adios Bahamas le 10 janvier 2020, comme il l'avait prévu. Aujourd'hui encore, les personnes qui l'ont suivi ont fait preuve du plus grand respect possible, surtout sur les réseaux sociaux, où la 75e Session a annoncé l'un après l'autre les 5 derniers morceaux inédits de Népal : Dans le fond, Cheddar, Coach K, Même vie et Benji. C'est sans aucun doute l'artiste qui a eu la plus grande influence sur a vie et sur ma vision de la société, en grande partie avec Adios Bahamas et le puissant message qu'il défendait à travers sa musique du début jusqu'à la fin.


Pour ce qui est des clips chez Dinos, on peut retenir par exemple N'Tiekar et Arob@se, qui ont tous les deux des atmosphères bien différentes, aussi bien dans la musicalité que dans les images. N'Tiekar est un clip tourné à la Cité Bleue de Sevran, à Paris, réalisé par Matthias Delabarre, et qui a la particularité d'être entièrement en noir et blanc, hormis la couleur orange, qu'on retrouve encore une fois mise en avant, comme sur les pochettes. De son côté, Arob@se est un morceau plus mélancolique, du fait qu'il soit simplement chanté sur un air de piano, avec un clip plus simpliste, malgré quelques détails bien réalisés (le cœur dans ses mains ou encore la chaise invisible sur laquelle il s'assoit.


Dinos - N'Tiekar (Matthias Delabarre) Dinos - Arob@se (Matthias Delabarre)



En ce qui concerne Laylow, les clips sont un autre moyen d'illustrer l'univers construit autour de l'album. Tous réalisés par Osman Mercan, ils possèdent chacun cette atmosphère futuriste, notamment avec l'aide des lumières (néons verts, roses, bleus foncés), mais également avec de nombreux détails qui font la spécialité de l'artiste qu'est Laylow. Par exemple, dans le clip de MEGATRON, on peut voir des chaînes dans sa bouche, qui font partie des grillz (des prothèses dentaires qu'on superpose aux dents souvent fabriquées en métal précieux) qu'il avait déjà sur la pochette de TRINITY.


Laylow - TRINITY Laylow - MEGATRON Grillz de TRINITY

Pochette : Maxime Guyon (Osman Mercan) (Youth Grillz Paris)


Dans le même clip, on retrouve également une moto entièrement argentée, qu'on aperçoit également à plusieurs reprises dans le clip de TRINITYVILLE, ce qui prouve que Laylow accorde encore une grande importance à la cohérence de sa musique, aussi bien musicalement que visuellement. On pourrait aussi parler de la femme qui interprète le rôle de Trinity dans TRINITYVILLE qui apparait et disparait comme si elle représentait un parallèle entre la réalité de Laylow et la virtualité du logiciel portant le même nom. Cette différence entre le réel et le virtuel est également beaucoup mis en avant dans l'album, dans lequel on retrouve notamment des bruits de glitchs (des déformations volontaires de voix, similaires à des bugs informatiques, par exemple dans le deuxième refrain de LOGICIEL TRISTE, le morceau qui clôture le projet).


Laylow - TRINITYVILLE (Osman Mercan) Laylow - TRINITYVILLE (Osman Mercan)



Pour finir sur ce thème de l'importance des clips et des pochettes dans le rap français, revenons sur Népal, et plus précisément sur celui de Rien d'spécial, réalisé par LaxVision (Les Gars Laxistes, collectif dont il faisait aussi partie), qui est pour moi un réel chef-d'œuvre, bien qu'il soit aussi simple que la pochette de l'EP. Rien d'spécial est le seul morceau du projet que Népal a adapté en clip, et pourtant c'est surement le plus beau qu'il n'ait jamais fait. Durant la vidéo, nous suivons Népal, dos à la caméra, qui marche en pleine nuit dans les rues de Tokyo, sans parler à personne et sans s'arrêter, comme s'il n'existait pas ou était invisible. Comme le dit si bien le titre du morceau, le clip n'a rien de spécial, si ce n'est quelques plans dans un grand aquarium intérieur, qui ne font que renforcer la beauté et la poésie des images. J'ai écouté Népal pour la première fois avec ce clip, donc pour moi, il a tout de spécial, car sans lui, je n'aurais surement pas découvert un artiste pareil de son vivant.


Népal - Rien d'spécial (LaxVision) Népal - Rien d'spécial (LaxVision)



Pour enfin conclure, je peux dire sans aucun doute que la musique est la chose la plus importante dans ma vie, et que certains artistes ont réellement changé ma vision de la vie et m'ont aidé à devenir plus mature dans la façon dont j'envisage mon futur. Cette musique est un art à part entière pour moi et c'est pour ceci que j'ai décidé de parler d'elle pour le sujet "Je" car elle fait tout simplement partie de moi. Des artistes encore passionnés par le rap se font de plus en plus rares, mais quelques-uns persistent à exister et valoriser la face d'intelligence cachée derrière le rap "mainstream" qui prend de plus en plus de place au fil des années. On peut citer parmi eux ceux dont j'ai déjà parlé : Dinos, qui apporte un univers mélancolique bien précis dans Taciturne ; Laylow qui innove avec TRINITY en travaillant de A à Z un album concept comparable à un film auditif ; ou encore Népal, qui transmettait un lourd message qui est celui du refus de la société capitaliste et d'une vie simple, à travers des morceaux plus calmes et faciles à écouter. Les visuels dans la musique urbaine ne font qu'accompagner des titres ou des projets, mais ils peuvent également nous faire aimer une musique qui nous a laissé indifférent à la première écoute, comme je l'ai vécu de nombreuses fois. Je n'ai pas vraiment de mots précis pour dire à quel point j'aime le rap, mais la longueur de ce devoir qui devait pourtant faire une page minimum ne peut qu'en témoigner.


Axel Araujo.

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